Article en lien avec la Newsletter #006 de Février 2023, « Les Heyoka, Clowns Sacrés ou « Contraires » de la Culture Lakotah / Sioux ».
Les Heyoka sont des figures particulières des tribus Amérindiennes, notamment celles des Sioux, de la Culture Lakotah. Ils sont associés aux Wakinyan (« Oiseaux-Tonnerre »). Les Heyoka sont des « Contraires », ou « Envers », ou encore « Clowns Sacrés ». Ce sont des Hommes-médecine (« Wicasha Wakan » en Lakotah) « non-ordinaires ». Cependant, tous les Hommes-médecine sont en proximité plus ou moins forte avec les Êtres Tonnerre et l’énergie du Heyoka.
Ils font vœu de vivre dans l’apparence le contraire des autres. Et ce, jusqu’à ce qu’un événement majeur qu’eux seuls connaissent, les délivre de cet engagement de vie. Par exemple, ils se lavent avec la terre et se sèchent avec de l’eau. Ils disent Au revoir en arrivant et Bonjour en partant, Oui pour dire non et vice versa.
Une rapide évocation du phénomène des Contraires dans notre société
Un parallèle intéressant peut être fait entre les Heyoka de la tradition Lakotah, et les « Contraires » de tous temps et de toutes cultures. Je veux parler notamment de ceux qui vont « à contre-sens » de la pensée unique, instaurée par la force de la majorité d’une nation. Car leur vision du monde et de la Vie est, comme celle des Heyoka, inversée et non conforme à la norme collective. Ils ont aussi cette fonction « d’éclaireurs des consciences », ouvreurs des chemins du possible et guides inspirants dans le changement.
Les Contraires contemporains de l’Hexagone
Un phénomène singulier marginalisant
Pragmatiquement, dans la culture française, les personnes sujettes au « phénomène du Contraire » peuvent prendre différentes apparences. Je pense par exemple à celles des Artistes, des Penseurs en avant-garde, ou encore à certains des Éveillés nommés « Complotistes » ; parmi tant d’autres.
De fait, cette position sociale du Contraire est généralement difficile à porter. Parce qu’elle place souvent l’être « différent » dans une posture d’asocial stigmatisé et rejeté. Il est alors fustigé de critiques, car rendu responsable de tous les maux des autres, la « majorité bien pensante ».
La notion symbolique du Contraire ou Heyoka, rejoint donc totalement celles de « mouton noir ». Ceci dit, entre autres descriptions péjoratives et discriminatoires définissant le bouc émissaire. La différence, stimule l’ignorance et les peurs des croyances mentales limitantes. Elle est en effet une expression de la singularité de l’être qu’il n’est pas facile d’assumer.
Le chemin de vie des êtres forts en leur for intérieur
Il est alors évident que ce n’est pas un choix d’être que l’on fait par fantaisie. Mais c’est bien un engagement total dans le respect de l’intégrité de « Qui nous sommes ». C’est un engagement qui transcende les critiques, jugements et autres « bâtons dans les roues ».
C’est un état d’être que l’on ne peut ni contourner ni étouffer sous peine de vivre d’énormes souffrances intérieures. Car cet état est la pure manifestation d’une foi sincère et incorruptible en notre Vérité intérieure. Cette foi est animée par une immense force intérieure, qui s’accroît en traversant tempêtes et épreuves. Ce qui fait grandir les Contraires, c’est toujours la loi de l’Hormèse. C’est la même loi qui renforce globalement et naturellement la Vie, « en ne la tuant pas ».
L’ouverture des peuples Amérindiens, « Native American », ou autochtones d’Amérique de la première heure
Cette rapide comparaison et ce clin d’œil aux Contraires de notre culture faits, revenons aux Heyoka Sioux/Lakotah. Il est clair qu’il existe une différence de considération à leur encontre, entre notre culture et la culture Lakotah. Car chez les Sioux, les Heyoka sont à la fois ris et très respectés.
Comme l’exprime Tahca Ushte (John Fire Lame Deer ; voir ci-après), ils attirent à la fois honte et honneurs. Cependant, ils sont acceptés et intégrés à part entière dans la société comme des éléments bénéficiant d’une grande considération. Et cela, malgré les difficultés qu’il y a parfois de vivre en leur présence dans la tribu ; ou pire, dans la famille. Mais l’importance capitale de leur présence et existence pour l’équilibre de la communauté, est véritablement reconnue par tous.
Les Heyoka, Clowns Sacrés ou « Contraires » Sioux de la Culture Lakotah
L’Association des Heyoka au Wakinyan Oyate (le « Peuple des Êtres Tonnerre » en Lakotah)
Les Wakinyan font partie des « Êtres, ou de la Nation, ou du Peuple du Tonnerre » (et donc de la Foudre). « Wakinyan Oyate » signifie littéralement, en Lakotah, le « Peuple des Êtres Tonnerre » (« Thunder Beings Nation » en Anglais).
Les Wakinyan vivent dans une dimension anti-horaire. Ils ne peuvent pas être compris par les gens ordinaires parce qu’ils « parlent et agissent à l’envers ». On dit que c’est pourquoi les Heyoka parlent et agissent d’une manière « anti-naturelle » ou contraire. Car ils deviennent des parents des Wakinyan.
La vocation et le comportement des Heyoka
Les Heyoka, « Contraires » ou « Envers » de la culture Sioux / Lakotah, sont des hommes qui font vœux de vivre dans l’apparence le contraire des autres.
Ce vœu et choix de vie survient suite à des signes ou manifestations particuliers. Ils suivent cet engagement jusqu’à ce qu’un événement majeur, qu’eux seuls connaissent, leur annonce la fin de ce chemin difficile et puissamment initiatique.
Par exemple de « comportement inversé ou contraire », ils se « lavent » en plongeant d’abord dans l’eau et ensuite se roulent sur la terre. Aussi, ils disent « Au revoir » en arrivant et « Bonjour » en partant. Ils disent le contraire de ce qu’ils veulent dire, répondent « oui » pour dire « non » et vice versa. Ils montent leur cheval à l’envers, etc.
Paroles de Sages autochtones : Qui sont les Heyoka ?
Quoi de mieux que d’entendre les propres paroles des sages autochtones, parlant des Heyoka ?
Les paroles de Tȟáȟča Hušté, « Cerf boiteux » en Lakotah, un « Wicasha Wakan » (« Saint-homme ou Homme-médecine »)
Dans notre langue, on appelle un clown Heyoka. Il est l’homme qui fait tout à l’envers, met le haut en bas, les choses sens dessus dessous, dit oui pour non.
John Fire Lame Deer, « Cerf Boiteux », « Tahca Ushte » en Lakotah -Tȟáȟča Hušté-, « Wicasha Wakan »
N’importe qui peut être changé en Heyoka, que cela lui plaise ou non. Il suffit de rêver aux oiseaux du tonnerre, à la foudre, et en se réveillant le matin, on est devenu un Heyoka.
Être contraire apporte l’honneur mais aussi la honte. On devient possesseur d’un pouvoir, mais il faut en payer le prix. Un Heyoka se comporte bizarrement.
Il dit oui quand il veut dire non. Il monte son cheval à l’envers. Il porte ses mocassins ou ses bottes en se trompant de pied. S’il arrive, c’est pour partir.
S’il fait chaud, il frissonne, s’enfouit sous les couvertures, fait un grand feu et déclare qu’il meurt de froid. L’hiver, quand vraiment il gèle et que la tempête fait rage, le Heyoka transpire ; il enfile un maillot de bain et déclare qu’il va nager pour se rafraîchir.
Deux Heyoka étaient assis sur un rocher au bord d’un lac. Il se mit à pleuvoir. Ils dirent : « Dépêchons-nous de nous mettre à l’abri ». Et ils sautèrent ensemble dans le lac.
Un contraire s’appelait L’Aplatisseur. On le voyait toujours muni d’un marteau, essayant d’aplatir des objets ronds ou incurvés, comme des assiettes à soupe, les balles, les anneaux, les roues de charrettes, les œufs. Ma grand-mère avait une lampe à pétrole avec un grand verre cylindrique ; il l’a aplati.
Il n’est pas facile d’être un Heyoka. Mais il est encore moins facile d’en avoir un dans sa famille !
Les Heyoka préservent les hommes de la foudre et des orages et leurs facéties, qui font rire, sont sacrées. Selon la tradition des Sioux, les « Êtres du Tonnerre » ou « Oiseaux-Tonnerre » détiennent le plus grand des pouvoirs, celui de la foudre, et nul œil humain n’a jamais pu les voir. Ils n’apparaissent que dans les visions des Saint-Hommes. Néanmoins, tout individu qui rêve du tonnerre ou des éclairs, ou de tout autres symboles qui leur sont attachés, se retrouve investi des pouvoirs des Oiseaux-Tonnerre (Wakinyan), les Grands Êtres Ailés.
Il devient, à partir de ce moment, un Heyoka, un « rêveur de tonnerre ». Ce dernier n’est pas un Homme-Médecine ordinaire. C’est un « contraire », un clown sacré qui fait tout à l’envers. La raison de cet étrange comportement dérive certainement de la croyance universelle qui veut que l’univers des esprits soit situé « à l’envers du nôtre ».
(« Saint-homme » ou Homme-médecine/guérisseur ou chamane), membre de la Société des Heyoka.
Une réflexion synthétisée sur la réalité des Heyoka
Voilà aussi pourquoi on parle du double spirituel comme d’un « reflet dans le miroir » ; où l’image du corps physique se retrouve inversée.
Ainsi, en faisant le contraire de ce que font tous les autres, le Heyoka ne fait qu’exprimer la relation étroite qu’il entretient avec l’Autre Monde ». Cet autre monde est celui « des esprits ou êtres éthérés »−, où les lois du monde physique s’inversent ou sont différentes.
Par ailleurs, les Wakinyan étant à la source de son pouvoir, celui-ci ne connaîtrait pratiquement aucune limite. Car il est capable de transmuter et de transcender toute dualité et ses effets.
Certains Amérindiens n’hésitent pas à dire que les Heyoka sont plus puissants qu’une bombe atomique.
Il est heureux que ces « Rêveurs de Tonnerre » fassent preuve d’une infinie sagesse au-delà de leur folie −maîtrisée− apparente. Ceci, afin de pouvoir tempérer, réguler et utiliser « pour le bien de la communauté et en harmonie avec la Nature » leurs puissantes facultés. Bien que cette action se fasse souvent au-delà des apparences, dans l’invisible, les effets en sont toujours visibles et concrets.
Quelques mots sur le résumé de l’autobiographie de Tȟáȟča Hušté
Voici un bref regard sur la vie de John Fire Lame Deer (« Cerf boiteux » ou « Tahca Ushte » en Lakotah).
Ce résumé puise dans sa propre analyse de vie et autobiographie. Elle fut recueillie par Richard Erdoes et intégrée au livre « Lame Deer, Seeker of Visions » (« Lame Deer le chercheur/quêteur de visions ») qui a été publié par Simon & Schuster en 1972.
Lame Deer n’a été un Heyoka que pour une courte période, selon ses propres mots dans « Lame Deer, Seeker of Visions ».
L’intrigue du livre trouve sa cohérence dans la tradition rituelle autochtone sur laquelle s’appuie Lame Deer. En fait, c’est son adhésion aux rituels sacrés de la vénérable tradition sacrée des Lakotah, qui ajoute profondeur et signification à la vie jusqu’alors tumultueuse de Tȟáȟča Hušté.
Dans un effort continu pour cultiver son « pouvoir personnel » comme le nomme les Amérindiens, Lame Deer suivit différents chemins. Dans ce but, il endura des moments difficiles et une immense souffrance le long de certains d’entre eux.
Mais il considère chaque expérience comme une étape de croissance, habilitante et instructive.
Par-dessus tout, il a appris par ses expériences que l’interrelation entre la vie humaine et l’univers est au cœur d’une union sacrée.
Ce qui rend ce livre particulièrement précieux aux yeux des critiques autochtones et non autochtones, c’est la critique ouverte et franche de John (Fire) Lame Deer sur sa vie. Elle exprime son ouverture d’esprit sur ses expériences en tant que Wicasha Wakan. Il dévoile l’intégrité avec laquelle il a mené sa vie d’homme jeune et aventureux à celle de guérisseur, conseiller, mentor et « purificateur de chemins » respecté.
Une invitation à connaître ce partage d’expériences de vie
Cette autobiographie est un regard privilégié sur la vie et les enseignements d’un saint Lakotah accompli.
C’est donc une invitation à lire ce riche témoignage de vie, destinée à ceux qui, intéressés par le sujet, ne l’ont pas encore lu. C’est aussi un riche enseignement pour ceux qui ne sont pas spécialement portés à l’intérêt ni de la culture amérindienne, ni des Heyoka.
Car en lisant ce livre on peut s’apercevoir que même en traversant les pires expériences de souffrance sur le chemin de la vie, on peut s’en libérer pour le meilleur.
Avec humilité et honnêteté, Tahca Ushte transmet par son récit cette puissance de la Vie qui trouve le chemin de la Lumière et de l’Amour, au-delà de toute apparence des « normes acceptables ».
Ce témoignage rejoint totalement les enseignements du Bouddha Shākyamuni contenus dans le Sūtra du Lotus, et notamment « Ichinen Sanzen, 3000 Mondes en Un Instant« .
Paroles d’un autre sage et Wicasha Wakan Sioux/Lakotah : Black Elk
Comme nous le montre la vie des Heyoka, l’interprétation des songes et la médiumnité sont inhérentes à la vocation du chamane. Et ses capacités influencent directement sa vie et celle de la communauté.
Heȟáka Sápa −en Lakotah− (« Black Elk » en Anglais et « Élan ou Wapiti Noir » en Français), est né le 1ᵉʳ décembre 1863, et il est mort le 19 août 1950. C’est un homme-médecine et un chef de la tribu des Sioux Oglala / Lakotah. Il fut un petit cousin du célèbre chef indien Crazy Horse. Il participa à l’âge de 13 ans à la bataille de Little Bighorn en 1876, et fut blessé en 1890 lors du massacre de Wounded Knee.
Black Elk (« Élan Noir »), Wicasha Wakan Lakotah (« Homme-médecine ou Saint-homme »), nous en parle ainsi :
Le « Chamane » partage son statut social avec le ou les Heyoka.
Black Elk, les voies sacrées d’un Sioux Lakota, Wallace Black Elket William S. Lyon, édition Le Mail.
Le Heyoka a un rôle très spécial… Le but de cela est d’abord le divertissement, mais cela lui donne également un pouvoir de vision en l’avenir. Mais gare à ses prédictions, n’oublions pas qu’il dit le contraire de ce qu’il pense !
N’importe qui peut devenir Heyoka du jour au lendemain dans un clan, il suffit de rêver d’un hibou.
C’est le symbole et le protecteur des Heyoka. Le hibou vit la nuit et dort le jour, il peut voir dans l’obscurité, tout comme le Heyoka il peut voir dans les ténèbres de l’avenir.
La personne concernée doit raconter son rêve au clan dans la journée sous peine d’être frappée de cécité.
Le statut de Heyoka, même s’il est respecté de tous, car le Heyoka a un grand pouvoir, n’en possède pas moins des inconvénients. Le Heyoka est la risée du clan, c’est celui qui fait rire et dont on se moque bien volontiers.
Seule la vision en rêve de son propre animal totem met fin à la période Heyoka d’un membre du clan, cela veut dire qu’il a accomplit sa tâche.
Par contre, celui qui rêve du hibou lors du rite du Totem, se voit destiné à être Heyoka toute sa vie.
En revanche, ces derniers possèdent un pouvoir de clairvoyance hors du commun, comme le hibou qui peut voir alors que tout autre être avance avec incertitude.
De ma très humble expérience
Les Chemin fulgurants et directs de la Foudre et du Tonnerre
D’après ma compréhension des enseignements que j’ai reçu de la culture Lakotah (Sioux Oglala), peu de personnes sont choisies pour recevoir des rêves ou « missions d’œuvrer » avec les Wakinyan (« Oiseaux-Tonnerre »). Ces derniers leur offrent alors de les aider et de les soutenir dans leur cheminement.
En effet, l’appui de l’énergie du Tonnerre et de la Foudre est un chemin difficile. Car il nécessite une forte énergie personnelle à la base. Il implique aussi beaucoup de résistance et d’endurance, pour pouvoir traverser les rudes épreuves dont est parsemé le parcours d’évolution des Heyoka.
Ce type de chemin initiatique très puissant ou « direct », en rapport à la Foudre et au Tonnerre. On le retrouve dans d’autres cultures et traditions. Par exemple, le Vajrayāna en Asie himalayenne et au Japon ; ou le chemin des Tambours Batá en Afrique et à Cuba, portent cette énergie. Aussi, on peut par exemple apparenter le Wakinyan au Dragon d’Extrême-Orient ou au Phœnix d’Asie.
Pour suivre le chemin du Heyoka, il est donc nécessaire d’être doté d’une énergie particulière. Il est indispensable d’avoir la capacité de vivre des situations et des états de conscience extrêmes. Ces situations et états extrêmes durent des temps pouvant être soit très longs, soit très rapides. Ce parcours initiatique permet de développer le pouvoir de transmutation des énergies. Il permet de développer la maîtrise, indépendamment des conditions environnantes, qu’elles soient spatiales ou temporelles.
Les Heyoka, serviteurs de la communauté, dans la tradition Lakotah
Cependant, bien que ces personnes choisies partagent une part du chemin des Heyoka, seul un faible pourcentage est appelé à servir véritablement comme Heyoka. Du moins dans la manière d’être des Lakotah ; de façon totale et authentiquement traditionnelle.
Quand ils le sont, ils doivent passer par des cérémonies spécifiques pour partager leurs rêves et visions avec d’autres Heyoka reconnus. Ceci, pour recevoir des instructions spéciales, et pour faire un vœu et exprimer leur engagement à servir les autres. Ce vœu va affecter totalement leur chemin de vie.
Traditionnellement et culturellement, tant qu’ils n’ont pas réalisé ce passage officiel, ils ne sont pas des Heyoka reconnus dans la communauté Lakotah.
Un Heyoka reconnu devient un serviteur du peuple. Sa vie n’est plus la sienne, elle devient l’œuvre d’une cause qui dépasse l’individualité. En cela, c’est un chemin de compassion (au-delà des apparences superficielles), qui rejoint celui du Bodhisattva.
Il prend et officialise cet engagement publiquement devant la communauté. Pour cela, il participe à la cérémonie de « Kettle Dance » (« Danse de l’eau chaude ou de la bouilloire »).
Mais globalement, tous les Wicasha Wakan (« Saint hommes » ou « Hommes médecine ») ont un lien plus ou moins profond avec le chemin du Heyoka. Ils partagent son énergie, et celle des Êtres du Tonnerre.
L’importance des rôles et fonctions sociologiques et psychosociologiques des Heyoka
La régulation de l’équilibre communautaire et de l’harmonie collective
En étant des Contraires, ils font des choses insensées pour attirer la critique, le mépris ou le ridicule sur eux-mêmes
Mais ils ont la force spirituelle pour endurer les conséquences de ce comportement. Ils ont la capacité de se purger et purifier de l’énergie négative ainsi amassée. Cette capacité leur permet aussi de pouvoir soigner et guérir les autres et les situations. Car ils sont capables de transmuter toute négativité en positivité, comme nous allons le voir.
Les membres de la communauté concentrent souvent leurs énergies négatives sur les Heyoka ; plutôt que sur les uns et les autres. Les Heyoka stimulent cette orientation d’énergies négatives, d’une manière ou d’une autre, volontairement ou involontairement.
De cette façon, le Heyoka aide à prévenir la destruction de l’harmonie et de l’équilibre dans une communauté. Lorsqu’il y a des tensions internes au collectif, ils les canalise, les absorbe et les transmute.
C’est donc en sacrifiant leur Ego que les Heyoka évitent que les Ego de la communauté ne s’enflamment les uns les autres
En même temps, par la répétition de cette démarche, le Heyoka s’épure, transcende et se libère de son propre Ego. Il constate de plus en plus avec force et évidence qu’il n’est pas l’Ego. Et que cet Ego, éphémère, n’a pas d’existence par lui-même. En se défiant lui-même, il transcende l’illusoire en lui-même ; comme un diamant se purifie par la taille et le polissage.
Ce point rejoint également l’enseignement du Bouddha Shākyamuni, « Ichinen Sanzen » (« 3000 Mondes en Un Instant »). Il est intéressant de considérer que Gautama Bouddha, a quitté son palais de prince, sa femme et son fils, et une vie vouée à devenir un riche et puissant seigneur. Il a fait ce choix pour errer dans la quasi nudité et vivre d’aumônes. Son but a été de trouver le moyen de libérer l’humanité de la souffrance. Alors que généralement les humains recherchent plutôt richesse, prestige, pouvoir et honneurs, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a fait vœu « d’être un contraire ».
La dédramatisation des situations et la libération des tensions communautaires
Le Heyoka aide aussi à stimuler le rire, en ayant un comportement volontairement stupide. Il agit ainsi surtout pendant les moments intensément tendus, graves, stressants ou anxiogènes ; comme pendant une cérémonie, une réunion du conseil, ou un événement difficile.
Le Heyoka sait instinctivement quand il est temps de dire ou de faire quelque chose de drôle ou loufoque, pour dédramatiser. Il sait soulager la tension et amener les autres et les situations à se détendre.
Par exemple, il peut se lever pendant une réunion du conseil qui s’échauffe et changer radicalement de sujet. Puis dire : « Vous avez de bonnes recettes de fromage… J’en ai justement un gros morceau que je veux utiliser avant qu’il ne tourne mal ».
La guérison et la place du Wicasha Wakan, « Saint homme » ou « Homme-médecine »
Les Heyoka sont également considérés comme des « Pejuta Wicasha » (« Phežúta wičháša » en Lakotah) ou « guérisseurs » ou « soigneurs ».
Car certains d’entre eux reçoivent des instructions sur les façons de soigner et guérir les êtres-vivants. Ils en sont capables, autant physiquement que psychologiquement et spirituellement.
Étant en communication avec les forces et les éléments naturels, ils entretiennent la santé et l’harmonie du Vivant. Mais ils entretiennent aussi l’harmonie des humains dans leur interrelation avec la Nature et ses énergies.
A l’époque du bison, les Heyoka étaient recherchés et sollicités avant une chasse au bison ou un raid de guerre, pour communiquer avec leurs « Alliés » les Wakinyan. La tribu demandait ainsi leur intervention et soutien, afin d’assurer que les conditions météorologiques soient favorables et complices.
Par exemple, parfois il s’agissait de demander un beau temps clair, comme pour la chasse au bison. D’autres fois, il s’agissait d’une demande de pluie, pour couvrir les traces des chevaux après un raid.
De farouches, intrépides et imprévisibles guerriers
Parce qu’ils agissaient de manière contre-naturelle et inattendue, les Heyoka étaient aussi des guerriers très intrépides sur le champ de bataille.
Ils prenaient souvent de grands risques ; ce qui pourrait être considéré comme un comportement de « fou-inconscient ».
Cependant, beaucoup savaient que les Heyoka ont le pouvoir spirituel des Wakinyan. Ce pouvoir les aidait à vaincre leurs ennemis malgré les apparentes impossibilités, en créant la surprise et même la frayeur.
Le Heyoka ne semble pas se soucier des tabous ou des frontières sociales. Mais paradoxalement et simultanément, il aide à définir les lignes directrices de la communauté Lakotah.
Il éclaire le cadre du comportement moral et éthique. Ils guident la façon dont la communauté conçoit les notions d’équilibre et de déséquilibre social. Ce comportement paradoxal traduit bien leur pouvoir de transcendance des dualités, en les exacerbant. Ils sont eux-même au-delà de la dualité, tout en la manifestant par l’évidence parfois grotesque, dans les apparences.
Les Heyoka sont ceux qui peuvent demander des explications et interroger les personnes en position d’autorité, comme les chefs de tribu ou de clan.
Ils « questionnaient » parfois indirectement par leur satire ou en s’amusant avec désinvolture. De cette façon ils stimulaient et déclenchaient la réflexion et la prise de conscience par la réactivité.
Leur méthode est aussi de poser des questions difficiles, ou sur des sujets complexes, afin de pousser les limites de la réflexion. Ainsi, ils déclenchent alors de véritables « brain storming » en stimulant des « think tanks » (groupes de réflexion ou laboratoires d’idées).
Les Heyoka osent dire tout haut les choses que les autres souhaitent exprimer, mais qu’ils taisent par crainte.
En agissant de la sorte, les Heyoka sont des instigateurs d’ouverture de conscience. Ils sont des protagonistes de changement et d’évolution, en harmonie avec les lois de la Nature et de l’Équilibre du bien commun.
Conclusion : le Bien fondé des Heyoka
En acceptant et en comprenant le rôle des Heyoka dans la communauté, les Lakotah ont pu avoir des sujets de réflexion sur lesquels ils n’avaient pas l’habitude de se pencher.
Les Heyoka amènent les membres de la tribu à voir les choses d’une autre manière. Ils présentent les choses sous un angle différent, et amènent à les comprendre véritablement avec recul et sagesse.
Ils sont pleinement acceptés et respectés dans leur différence. Car la communauté est consciente de l’importance capitale de leur présence bénéfique.
Malgré les apparences et les dérangements qu’ils peuvent causer, ils sont de saint-hommes. Ce sont des « éclaireurs de conscience », des puissants guides protégeant le bien commun. Les Heyoka gardent la collectivité de fausses routes menant au désastre.
Ils créent des perturbations pour bousculer les dysharmonies et les transformer en harmonies. Leur rôle est de transmuter par leur pouvoir sacré de transcendance.
On dit qu’un Heyoka « restaure » la communauté d’une manière similaire aux pluies qui restaurent la Terre. Car il la purifie et la nourrit. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que « le Heyoka bouge les lignes ». Et en cela, il fait avancer le monde.
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© Franck Cohendet / Suishō Reikidō® − Février 2023 – Morlaàs, Pyrénées-Atlantiques, France